Transmission of poverty and a pregnant girl/ Annie Arnaux

An unwanted pregnancy:

Until the previous summer, I had succeeded at the cost of effort and humiliation – being called a slut and a tease – not to make love completely. In the end, I had only owed my salvation to the violence of a desire which, adapting poorly to the limits of flirtation, had led me to dread even a simple kiss. I confusedly established a link between my social class of origin and what was happening to me. The first to pursue higher education in a family of workers and petty tradesmen, I had escaped the factory and the trading post. But neither the baccalaureate nor the literature license had succeeded in diverting the fatality of the transmission of poverty, for a pregnant girl was as condemned and symbolic of this misery as an alcoholic. I was caught by the ass, and what was pushing me was, in a way, social failure.

An illegal abortion:

Mrs. P.-R. had everything ready. I saw a pan of boiling water on the gas stove where the instruments must have been. She took me into the bedroom. She seemed in a hurry to get started. She extended the bed with a table covered with a white towel. I took off my tights and panties; I kept my black skirt because it was wide. While I was undressing, she asked me, “Did you bleed a lot when you were deflowered?” She made me lie with my upper body on the bed, my head on a pillow, my loins and my bent legs on the table in an elevated position. She kept busy and talked, specifying once and again she was inserting the probe, nothing else. She told me about the case of a mother found dead the week before. A woman had injected bleach in her and left her on the dining room table.

Several days later:

I ran to the restroom across the hall and crouched in front of the toilet, facing the door. I saw the tiles between my thighs. I pushed with all my might. It shot out like a grenade in a splash of water that spilled out onto the door. I saw a small bather hanging from my sex at the end of a reddish cord. I had not imagined having this in me. I had to walk with it to my room. I held it in one hand – strangely heavy – and walked down the hall, clutching it between my thighs. I was a beast. O.’s door was ajar, with a light on. I called her and said softly, “that’s it.” We were both in my room. I sat on the bed with the fetus between my legs. We didn’t know what to do. I told O. that the cord must be cut. She took the scissors, we didn’t know where to cut, but she did. We looked at the tiny body with a big head; under the transparent eyelids, the eyes were two blue spots. It looked like an Indian doll. We regarded its sex. We seemed to see the beginning of a penis. So, I was able to make this. O. sat down on the stool; she was crying. We cried silently. It was a nameless scene, life and death at the same time. A scene of sacrifice. We didn’t know what to do with the fetus. O. went to look in his room for an empty bag of crackers, and I slipped it inside. I went to the bathroom with the bag. It felt heavy like a stone. I flipped the bag over the bowl. I flushed it.

From “ L’événement” by Annie Ernaux.  Translasted by Louis Villalba

These three paragraphs were taken from the French writer Annie Arnaux’s novel. She boasts great style, and her superb work merited a Nobel Prize of Literature in 2022.  I am not going to comment on the controversial subject of abortion, but these snippets show both sides of the coin that society faces. I will let you judge for yourself.

Original in French:

1.

Jusqu’à l’été précédent, j’avais réussi au prix d’efforts et d’humiliations –  être traitée de salope et d’allumeuse – à ne pas faire l’amour complètement. Je n’avais finalement dû mon salut qu’à la violence d’un désir qui, s’accommodant mal des limites du flirt, m’avait conduite à redouter jusqu’au simple baiser. J’établissais confusément un lien entre ma classe sociale d’origine et ce qui m’arrivait. Première à faire des études supérieures dans une famille d’ouvriers et de petits commerçants, j’avais échappé à l’usine et au comptoir. Mais ni le bac ni la licence de lettres n’avaient réussi à détourner la fatalité de la transmission d’une pauvreté dont la fille enceinte était, au même titre que l’alcoolique, l’emblème. J’étais rattrapée par le cul et ce qui poussait en moi c’était, d’une certaine manière, l’échec social…

2.

Mme P.-R. avait tout préparé. J’ai vu sur le gaz une casserole d’eau bouillante où devaient se trouver les instruments. Elle m’a fait passer dans la chambre, elle semblait pressée de s’y mettre. Dans le prolongement du lit, elle avait installé une table, recouverte d’une serviette de toilette blanche. J’ai enlevé mon collant, mon slip, il me semble que j’ai conservé ma jupe noire parce qu’elle était évasée. Pendant que je me déshabillais, elle m’a demandé « est-ce que vous avez beaucoup saigné quand vous avez été dépucelée ? ». Elle m’a fait placer le haut du corps sur le lit, la tête sur un oreiller, les reins et les jambes, pliées, sur la table, en position surélevée. Elle ne cessait pas de parler en s’affairant, spécifiant une nouvelle fois qu’elle introduisait juste la sonde, rien d’autre. Elle m’a cité le cas d’une mère de famille trouvée morte la semaine d’avant, laissée sur la table de la salle à manger par une femme qui avait injecté de l’eau de Javel.

3.

J’ai couru aux toilettes, de l’autre côté du couloir, et je me suis accroupie devant la cuvette, face à la porte. Je voyais le carrelage entre mes cuisses. Je poussais de toutes mes forces. Cela a jailli comme une grenade, dans un éclaboussement d’eau qui s’est répandue jusqu’à la porte. J’ai vu un petit baigneur pendre de mon sexe au bout d’un cordon rougeâtre. Je n’avais pas imaginé avoir cela en moi. Il fallait que je marche avec jusqu’à ma chambre. Je l’ai pris dans une main – c’était d’une étrange lourdeur – et je me suis avancée dans le couloir en le serrant entre mes cuisses. J’étais une bête. La porte de O. était entrebâillée, avec de la lumière, je l’ai appelée doucement, « ça y est ». Nous sommes toutes les deux dans ma chambre. Je suis assise sur le lit avec le fœtus entre les jambes. Nous ne savons pas quoi faire. Je dis à O. qu’il faut couper le cordon. Elle prend des ciseaux, nous ne savons pas à quel endroit il faut couper, mais elle le fait. Nous regardons le corps minuscule, avec une grosse tête, sous les paupières transparentes les yeux font deux taches bleues. On dirait une poupée indienne. Nous regardons le sexe. Il nous semble voir un début de pénis. Ainsi j’ai été capable de fabriquer cela. O. s’assoit sur le tabouret, elle pleure. Nous pleurons silencieusement. C’est une scène sans nom, la vie et la mort en même temps. Une scène de sacrifice. Nous ne savons pas quoi faire du fœtus. O. va chercher dans sa chambre un sac de biscottes vide et je le glisse dedans. Je vais jusqu’aux toilettes avec le sac. C’est comme une pierre à l’intérieur. Je retourne le sac au-dessus de la cuvette. Je tire la chasse.